Pourquoi interpeller Total nominativement ?
C’est bien évidemment tout le secteur des énergies fossiles qui doit changer radicalement. Total est une entreprise importante du secteur et une entreprise française, c’est donc à elle que nous nous adressons en tant que français. Nous croyons que Total dispose des moyens humains et financiers pour soutenir véritablement la transition énergétique, et qu’un changement radical de son modèle économique est nécessaire.
Dans d’autres pays, des interpellations similaires sont menées vis-à-vis d’autres grandes entreprises fossiles (Shell aux Pays-Bas, ENI en Italie, BP au Royaume-Uni, etc.).
Total n’est-il pas en train de baisser ses émissions carbone ?
Le 2 octobre dernier, l’entreprise pétrolière a annoncé augmenter de 3% par an sa production de combustibles fossiles (gaz et pétrole) d’ici à 2030, dépassant ses prévisions précédentes. Or, comme l’a souligné le dernier rapport du groupe III du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), les émissions liées aux infrastructures fossiles existantes excèdent déjà les émissions nettes cumulées des scénarios nous permettant de limiter le réchauffement à + 1,5 degré.
En augmentant sa production à travers de multiples nouveaux projets d’extraction fossile, Total s’éloigne drastiquement de son objectif prétendu d’atteindre zéro émissions nettes en 2050. Cet objectif apparaît d’autant moins réaliste qu’aucune trajectoire de baisse des émissions n’a été observée pour anticiper le net zéro en 2050. Alors que le GIEC recommande une baisse des émissions mondiales de 45% d’ici 2030, Total prévoit de les maintenir au moins jusqu’en 2030. Ses objectifs ciblés de réduction des émissions de certaines infrastructures ne servent qu’à compenser les émissions des nouveaux projets. De plus, l’objectif de neutralité carbone ne concerne que les émissions provenant directement des installations de l’entreprise, c’est-à-dire 15% des émissions de l’entreprise puisque cela ne tient pas compte des émissions provenant de l’utilisation de l’énergie vendue.
Face aux impacts très nocifs de ses émissions massives de carbone, Total choisit la stratégie de la dissimulation. En effet, un rapport de 2022 de l’ONG Greenpeace a montré que le bilan carbone affiché par Total était largement sous-évalué, puisque l’impact carbone constaté par Greenpeace est quatre fois supérieur à celui affiché par TotalEnergies. Cette stratégie s’inscrit dans des choix de longue date, puisque des scientifiques ont montré que l’entreprise était au courant dès les années 1970 du dérèglement climatique causé par ses émissions de carbone. En 1971, on peut lire dans le journal interne Total information, que “le groupe Total mesure pleinement les impacts négatifs que peuvent avoir ses activités sur la nature”. En prétendant aujourd’hui atteindre zéro émissions nettes en 2050, alors qu’aucune baisse n’est observable à ce jour, TotalEnergies continue donc de protéger un modèle d’exploitation et de vente des énergies fossiles qui est la cause majeure du dérèglement climatique.
Les projets de Total n’aident-ils pas les pays du Sud à se développer ?
Contrairement à ce qu’affirme TotalEnergies, l’exploitation d’énergies fossiles dans un pays nuit le plus souvent à son développement. Comme le rappelle le spécialiste des questions énergétiques internationales Philippe Copinschi lors de son audition dans le cadre de la commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies1, par le mécanisme économique appelé maladie hollandaise, “plus l’économie d’un pays dépend de ses matières premières, moins elle est développée. […] De plus, la présence d’hydrocarbures a tendance à déstructurer le système politique d’un pays” alors qu’une gouvernance politique solide est justement nécessaire pour éviter une dépendance néfaste aux hydrocarbures. Le directeur général de l’Agence française de développement (AFD) ajoute dans le même rapport que “ce sont les économies les plus diversifiées qui s’en tirent le mieux”.
Les combustibles fossiles extraits des sols des pays du Sud sont toujours destinés à l’export et pas à la consommation locale. Il s’agit ainsi de permettre à d’autres pays (souvent des pays du Nord ou des pays plus développés) d’utiliser de brûler des combustibles fossiles qui participent à l’aggravation du réchauffement climatique, dont les populations des pays du Sud exportateurs sont les premières victimes.
En plus des conséquences globales du réchauffement climatique, les projets fossiles ont souvent des impacts négatifs sur les populations locales. Des emplois sont certes créés pendant la phase de construction et parfois d’exploitation du projet, mais ils ne sont pas durables et sont majoritairement peu qualifiés, les emplois techniques et de direction étant pourvus par des étrangers. Surtout, les projets menés par TotalEnergies ont des impacts sur la santé des populations (pollution des terres et des eaux au Yémen), leur environnement (menaces sur la biodiversité dans le cadre du projet EACOP) et les droits humains (arrestations arbitraires de militants en Ouganda, violences, enlèvements et meurtre de civils au Mozambique).
L’exploitation du pétrole et du gaz dans les pays du Sud sert les intérêts privés des multinationales de l’énergie comme TotalEnergies, dans une approche néocoloniale. Ils sont mis en œuvre car ils sont très rentables pour l’entreprise, et non pas par charité envers les populations locales.
1 Rapport de la commission d’enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France, 14 juin 2024, page 55. Lien : https://www.senat.fr/rap/r23-692-1/r23-692-11.pdf
Total n’est-il pas plus vertueux que les autres entreprises pétrolières ?
Les différents experts auditionnés dans le cadre de la commission d’enquête du Sénat sur Total sont assez partagés sur l’évaluation du comportement de Total par rapport à ses concurrents s’agissant de la décarbonation. Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et ancienne présidente du Groupement d’experts international d’évolution du climat (Giec) évoque une note dans la moyenne tout en rappelant que “Les activités de l’ensemble des entreprises de ce secteur sont incohérentes avec les trajectoires fixées par l’accord de Paris.”. D’autres experts comme le docteur Philippe Copinschi ou le professeur Patrick Geoffron soulignent que TotalEnergies serait, aux côtés des autres entreprises pétro-gazières européennes, globalement un peu plus volontariste en matière climatique que les entreprises américaines, tout en rappelant qu’ “il y a des domaines dans lesquels TotalEnergies est probablement un bon élève, d’autres moins.”
Notons l’existence de débats sur la méthodologie adoptée par TotalEnergies pour le calcul de son bilan carbone. Greenpeace a mené une contre expertise et accusé l’entreprise d’avoir émis en 2019 quatre fois plus de gaz à effet de serre qu’elle ne l’avait annoncé.
Globalement, toutes les entreprises pétro-gazières dont TotalEnergies ont des stratégies qui ne respectent pas la trajectoire des accords de Paris. Le fait que d’autres entreprises soient encore pire que TotalEnergies n’allège en rien sa responsabilité. Chaque pays doit interpeller ses compagnies nationales pour faire cesser le fonctionnement scandaleux de l’industrie fossile mondiale.
Le changement ne doit-il pas passer aussi par des mesures politiques nationales et internationales, et des changements de comportement individuels ?
C’est vrai. Le changement doit se passer à tous les niveaux. Notre action s’inscrit dans un ensemble de campagnes qui interpellent les responsables politiques (lettre ouverte à tous les candidats pendant les élections européennes, appel à un traité international pour une sortie équitable des fossiles) et appellent à la sobriété et l’efficacité énergétique.
Où en est le dialogue avec Total ?
Cette interpellation de TotalEnergies est une brique parmi tant d’autres dans ce que nos organisations proposent pour transformer cette entreprise. Notamment, nous dialoguons régulièrement avec des responsables de l’entreprise. Depuis plus d’un an, l’évêque de Nanterre a impulsé un groupe de réflexion et d’échange entre des cadres de multinationales et des représentants de la société civile. Un membre de Lutte et Contemplation et plusieurs dirigeants de TotalEnergies y participent. Ces derniers sont au courant que cette initiative existe.
Si le dialogue est nécessaire, nous sommes convaincus qu’il n’est pas suffisant et que pour obtenir de réels changements, nous devons entrer dans un rapport de force et influencer l’acceptabilité sociale des projets de l’entreprise.
Pourquoi se positionner en tant que chrétiens ?
La crise climatique et ses conséquences bouleversent et mettent en mouvement beaucoup d’hommes et de femmes de bonne volonté. Pour nous, chrétiens, se laisser toucher par la souffrance de la Création et des êtres humains vient aussi d’une conversion qui “implique de laisser jaillir toutes les conséquences de leur rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui les entoure” et “n’est donc pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne.” (LS 217) Cette conversion se traduit dans l’action : nous sommes responsables de la Création et de nos frères et sœurs qui souffrent des conséquences du dérèglement climatique.
Cet engagement contre la crise climatique passe par un appel fort à sortir des énergies fossiles qui sont responsables de cette crise. Nous avons une voix singulière à porter dans la société en interpellant nos frères et sœurs croyants au nom de notre foi, en dénonçant l’injustice climatique et en rappelant inlassablement l’espérance que “les choses peuvent changer” (LS 13), et qu’il serait suicidaire de renoncer à espérer (LD 53).
Notre pétition est-elle vraiment utile pour changer Total ?
On se sent parfois impuissants. Pourtant, nous pouvons agir : “les revendications qui émergent d’en bas partout dans le monde, où les militants des pays les plus divers s’entraident et s’accompagnent, peuvent finir par exercer une pression sur les facteurs de pouvoir.” (LD 38)
Nous avons le pouvoir d’interpeller les dirigeants, les actionnaires, rejoignant ainsi tous ceux qui appellent à faire passer le bien commun avant l’intérêt à court terme ou le profit.
Notre rôle est aussi d’éveiller les consciences en faisant connaître la réalité de l’impact de l’exploitation des énergies fossiles, sur la Création et sur les hommes et les femmes qui les subissent. Nous appelons à dépasser les stratégies de communication des uns ou des autres, en faisant entendre les voix qui n’ont pas la possibilité de se faire entendre.
Par ailleurs, nous n’oublions pas que les initiatives de la société civile doivent s’accompagner de décisions politiques pour réguler et forcer les entreprises à changer de modèle pour stopper le désastre écologique.
J’ai signé la pétition, et maintenant comment agir ?
Merci d’avoir signé ! Le but de cette pétition étant de récolter un maximum de signatures d’ici le mois de juin, nous t’invitons à la partager autour de toi et à te saisir des ressources mises à disposition sur ce site (ensemblepourchangertotal.org) pour mieux pouvoir communiquer sur le sujet. Dans l’onglet campagne, tu trouveras les prochaines actions organisées pour faire vivre la campagne, qui permettent de donner de la visibilité à la pétition.
Si tu as envie de te former pour mieux parler des sujets écologiques en Eglise, tu peux rejoindre le cycle de formation proposé gratuitement par le mouvement LaudatoSi. Tu peux aussi rejoindre un groupe local de Lutte et contemplation pour vivre une vie fraternelle, spirituelle et militante autour des enjeux de justice climatique. Pour être au courant des événements organisés par nos deux mouvements, tu peux t’abonner aux newsletters. Tu peux également nous contacter pour proposer des idées ou monter un événement près de chez-toi. Enfin, nous t’invitons à prier pour que vivent cette campagne et cette pétition, et surtout pour la conversion écologique de TotalEnergies, et de tous nos dirigeants politiques et économiques. Si ce n’est pas déjà fait, on te recommande de lire les textes du pape à ce sujet, l’encyclique Laudato Si’ (2015) et l’exhortation apostolique Laudate Deum (2023).